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Les Ménines

Un personnage ou un objet du tableau de Velasquez parle et dit ...

 

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Texte A.T. – 06/01/2015

 

Ces séances de pose sont d’un ennui …. Il nous est défendu de bouger, de papoter, de manger, de boire. C’est un supplice. Il fait chaud et j’aimerai m’installer près de la fontaine d’un des patios, au frais, j’éventerais Marguerite, nous dégusterions des pêches juteuses et parfumées, et échangerions les derniers potins de la cour, dona Maria Augustina les partage délicieusement.
 
Rosario, jaloux de ne pas être du tableau, et attendri devant mon air contrarié à l’idée de poser encore des heures devant Diego Velasquez, m’a proposé une farce, il n’est pas nain à la cour pour rien, il en invente sans cesse : il s’est glissé sous ma robe. J’ai dû avancer lentement depuis nos appartements jusqu’à l’atelier afin de ne pas trahir sa présence.
 
Le voilà qui me chatouille les mollets, il ne faut surtout pas que j’éclate de rire, ni que je bouge. Il agite les rubans de soie de mon jupon le long de mes jambes, ah, le coquin. Il m’avait pourtant promis de ne pas me tourmenter.
 
Oh, ses mains un peu moites enserrent mes genoux… de ses pouces il caresse délicatement ma peau, monte lentement le long de mes cuisses, son effleurement taquin s’est mué en délicieuse étreinte, comme c’est doux, délectable, c’est de baisers qu’il couvre mes jambes ! Mais que m’arrive-t-il, le bas de mon ventre est brulant, mon souffle est court, je manque d’air, je vacille, c’est délicieux, mes joues s’empourprent, assurément, j’ai chaud, tout mon corps s’embrase, je chancelle…
 
Mon corps se liquéfie, je suis pleinement ce corps en voluptueuse pamoison.
 
Me croira-t-on quand j’affirmerai à l’issue de la séance de pose que ce fut un véritable plaisir ?

 

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Texte A.J. – 09/09/2014

  • ·Je suis le pinceau de lumières celui qui éclaire. Vous me voyez, là sur la palette, tenu par le grand peintre. En ce moment, je suis inactif. Mon maître a d’autres préoccupations : la venue du roi et de la reine. Il a beau dire que les artistes sont les favoris des Muses, il a le sens des réalités de ce monde. Je craignais le modèle, sa dissipation. Je connais la famille, je les ai tous subis et ce n’est pas fini. Mais non, elle est très sage. Elle a le sens de son devoir, elle sait déjà qui elle est.
  • ·Vous devinez bien que j’ai réussi à mener à bien ma tâche, puisque le tableau est devant vous, achevé, encadré.
  • ·Depuis que nous sommes au musée, oui, nous, l’infante, ses parents, ses suivantes, sa naine, son chien, le peintre, sa palette et ses pinceaux, la situation a empiré. Autrefois, les commentaires étaient rares et brefs, mais maintenant. On me dit que j’ai de la chance de ne pouvoir lire tout ce qui a été écrit sur mon œuvre – c’est quand même un peu la mienne, sans mes touches, elle ne serait pas ce qu’elle est —, mais comme les visiteurs ne cessent de commenter ce qui a été écrit, je suis informé, je me cultive. La seconde vie du pinceau de lumière depuis des décennies au musée … quelques années actif dans un atelier et une éternité à rester immobile, suspendu dans le temps. Si un jour la parole se libérait, non plus celle des visiteurs, mais celle des figures du tableau. Vous me direz que j’aurai du mal à dire un mot, mais cela me changerait.

 

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Texte C.R. – 09/09/2014

Allons bon, qu’est-ce qui m’a réveillé ? J’ai senti quelque chose, là, dans le dos… Ah, encore cet imbécile de Milanais. Il va falloir qu’il mange encore de la soupe, le gnome, s’il veut que son escarpin soit autre chose qu’une nuisance négligeable sur ma musculature d’athlète.

 

Et où en sont-ils ? Toujours pas fini, n’est-ce pas ? Ne bougeons pas, surtout. Interdit de se gratter les puces. Je ne vois pourtant pas ce que ça pourrait lui faire, à ce grand dadais qui empeste la térébenthine. Toujours à frotter des petits bâtons sur son drap pour y faire des taches. Usage on ne peut plus étrange, les bâtons, quelque soit leur taille, étant faits pour être lancés en criant « rapporte ! », tout le monde sait cela. Mais il paraît que ce bellâtre est un artiste qui exécute un tableau, et que je ne peux pas comprendre. N’empêche que moi, quand je fais une tache jaune d’or sur une tenture ou un aplat châtaigne sur un tapis, on n’appelle pas ça un tableau, on ne s’extasie pas, on me donne du fouet.

 

C’est que, tel que vous me voyez, le poil luisant et l’allure majestueuse, je participe à un chef d’œuvre destiné à faire la promotion de la maisonnée. Chef d’œuvre en péril, d’ailleurs, si vous voulez mon avis. Parce que le minois prognathe de l’héroïne du jour au teint chlorotique me fait dire que la consanguinité n’a pas que du bon et que ça ne va pas durer, leur lignée de Habsbourg d’Espagne…

 

Ah, Doña Maria Agustina donne des signes de faiblesse… Faut dire que rester pendant des heures, inclinée comme ça, ça vous colle des crampes. Si le plateau se renverse sur la robe de l’infante, ça va faire un de ces foins ! Ces chipies vont encore se crêper le chignon et Doña Marcela va les envoyer au lit sans manger.

 

Tiens, en parlant de lit, je me sens comme une faiblesse. Je vais reprendre ma sieste royale. N’oubliez pas de me réveiller quand il aura fini, hein. Ce soir, au chenil, c’est os à moelle.

 

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Texte CMLG – 20/05/2014

Pensées "contenues" de Velasquez

 

Irrespirable, il fait irrespirable ! Et ce bruit incessant de papotages inutiles !

 

Je m'efforce à la sérénité, mais c'est très difficile. Surtout, surtout ne pas laisser paraître au Roi et à la Reine, que j'ai une envie folle de mettre tout ce petit monde, à la porte de mon atelier:

 

L'Infante Marie Marguerite, insupportable, qui paonne, ses demoiselles d'honneur, flatteuses à souhait, qui minaudent, la chaperonne, Dona Marcella, dont la voix pointue m'exaspère, qui soliloque avec le garde du corps. Ne devrait-elle pas respecter son deuil dans le silence et l'introspection? Et les nains, ne cessant d'agacer le chien, qui bien sûr grogne.

 

Comment peindre dans ces conditions ?...

 

Ah, il me semble que José Nieto soulève la draperie de l'escalier du fond, et sort doucement.

 

Cela fait un de moins. Courage !

 

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Texte C.Si. – 01/04/2014

Cette pose est interminable ! Quelle sotte que cette Maria Augustina, elle n’a pas bien ajusté les baleines dans le bas du dos. Quel calvaire ! Et Velasquez qui n’en finit plus ! Pourtant, cela fait plus de 20 ans qu’il est au service de mon bon Felipe ! Aujourd’hui il ne veut que mon visage ! Je suis bien sotte, moi aussi, de me laisser flatter par ce grand gentilhomme…Regardez-la, cette nigaude, que je souffre elle s’en moque, elle fait les yeux doux à ma princesse. Quelle gourde ! Comme elle semble implorer son attention mais ma princesse n’est pas fille d’Autriche pour rien ! Elle se détourne, fière, noble ainsi que son sang l’exige. Elle me murmure quelque chose : «Mère, que me veut donc cette ménine ?  N’a-t-t-elle pas déjà eu son lot de faveurs ? Oh, que vous êtes belle dans cette somptueuse robe sienne en panne de velours, que votre corsage en organdi illumine votre teint !  ! Ah ma princesse !

Quel tourment que ces rubans qui m’enserrent ! Aujourd’hui cette perruque m’est insupportable, j’ai le cou absolument endolori ! Il faudra demander à Isabel de me préparer quelque chose pour me soulager, un baume aromatique serait bienvenu. Les onguents de ce Sartorius pourraient sans doute apaiser mes douleurs. Mais ! Quelle impudence ! Cette Isabel de Velasco est une intrigante ! Avec quel aplomb elle me regarde ! Ne jauge-t-elle pas, toute effrontée qu’elle est, l’harmonie de ma coiffure ? Ne devrait-elle pas baisser les yeux et se préoccuper davantage de ma princesse ? Elle ne pense qu’aux galants, elle a la jambe fort leste, m’a-t-on dit ! Mon bon roi n’a pas encore réussi à bouter tous ces courtisans hors du palais… Il faudra que Marcela lui rappelle l’étiquette, une telle verdeur d’attitude doit être réprimandée.

Ma bonne gouvernante ! Ma chère dame d’honneur ! Que trame-t-elle donc là-bas derrière avec ce Diego Ruiz ? Une intrigue ? Non, elle n’est plus toute jeune, ma bouillante Marcela ! Oui, je lui demanderai de parler à cette gourgandine d’Isabel ! D’ailleurs, est-ce bien moi l’objet de son examen ? ! Ne serait-ce pas plutôt de la malice qui se cache derrière son demi-sourire ? Isabel l’impudente doublée d’une croqueuse ? Mais oui, c’est bien ma broche qu’elle porte ! Celle en argent émaillé ornée d’un diamant ! Je n’aurais peut-être pas dû la remercier de cette façon, mais bon, elle m’avait attendrie ! Ce regard ! Cette lascivité dans le geste ! Mais bien sûr ! C’est vers le peintre qu’elle penche son buste ! C’est ce cher Diego qu’elle s’efforce de troubler ! D’émouvoir, de surprendre, au chatoiement de son corsage ! Fille perfide ! Diego est à moi ! Ne le sais-tu donc pas ? Je te renverrai tout à l’heure, que tu retournes à ta campagne. Que tes airs de perverse aillent  bouleverser les rustres du Douro !

 

Mise à jour le 24.03.17
 
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