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"Ils ne savaient rien de l'histoire en train de s'écrire, mais ils étaient tous prêts à en raconter une, à leur manière, avec pour certains des trémolos dans la voix, et pour les autres, suffisamment de fierté pour paraître insensibles." (extrait de "Buveurs de vent" de Franck Bouysse – Albin Michel – page 12)
Augmenter : le premier et le dernier mot du texte d'origine sont les premier et dernier mots du texte augmenté, qui contiendra également tous les mots du texte d'origine dans l'ordre. Se limiter si possible à une demi-page.
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Texte C.Ba. – 13/11/2020
Ils ne savaient pas vraiment par quel bout commencer leur inspection. La concierge leur avait ouvert la porte d’entrée, mais curieuse comme elle était, elle restait plantée contre le mur du salon et ses yeux furetaient partout pour ne rien perdre des lieux. Elle espérait pouvoir, elle aussi, récolter quelques indices de ce qui s’était passé ici et se réjouissait d’avance de raconter, mieux que ces incapables, le fin mot de l'histoire de ce meurtre sordide. Pourtant l’enquête ne faisait que commencer et le récit des détails de l’agression était juste en train de s'écrire au commissariat de Riga. Personne n’avait entendu de bruit, de cri, ou de coup de feu. Normal puisque l’appartement silencieux de Monsieur Meierovics semblait être inoccupé depuis des semaines. Les policiers Gulbis et Valters allaient d’une pièce à l’autre, comme s’ils ne savaient pas par où commencer, mais ils étaient persuadés que les indices allaient tous se manifester d’eux-mêmes à leur perspicacité. Ils se tenaient prêts à toutes les éventualités et voulaient reconstituer dare-dare les habitudes quotidiennes de la victime. Mais l’histoire personnelle de Vassili Meierovics, c’est elle Frida Balodis qui la découvrirait, rien qu’à observer comment les objets allaient en raconter une peut-être plus banale encore que ce que pourrait dire l’inspecteur chargé de l’affaire. Eux, les flics, ils trouveraient peut-être des détails superflus, une piste plutôt bancale, ils le feraient à leur manière, tout le monde dans le quartier savait qu’ils n’avaient pas de flair. Frida se glissa avec précaution et sans se faire voir des deux policiers dans la salle de bain. Elle ouvrit les petites portes de l’élément suspendu au-dessus du lavabo et manipula à l’aveuglette la kyrielle de flacons dont elle ne connaissait, pour certains, pas du tout les indications. Dans l’un d’eux elle aperçut cependant quelque chose qui lui donna instantanément la nausée. Avec des trémolos dans la voix elle tenta de lancer l’alerte, mais personne ne réagit et pour être sûre de se faire entendre, elle poussa un hurlement obscène. Les autres arrivèrent en se bousculant, ravis d’avoir quelque chose à se mettre enfin sous la dent. Madame Balodis, le sourire triomphant, leur tendit un tout petit bocal bien fermé. Un œil bleu flottait dans du liquide opalescent et tournait lentement sur lui-même tandis qu’elle agitait le flacon avec suffisamment de fierté. Dans un même mouvement de recul, Gulbis et Valters se bousculèrent maladroitement. Puis, se ressaisissant, ils s’approchèrent en ricanant pour paraître insensibles.
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Texte JP.R. 20/11/2020
Un rendez-vous raté !
"Ils avaient tout si bien préparé, ils le croyaient dur comme fer … Mais, de fait, rien ne s’était vraiment passé comme prévu ! Ils savaient pourtant bien, par expérience, qu’un tout petit rien de misère pouvait empêcher toute l'histoire de se dérouler comme sur des roulettes : en prenant le train ce matin-là, chacun depuis sa propre gare de départ et après avoir bien pris en compte leurs horaires respectifs pour se rejoindre tous dans la même ville et à la même heure à 10 minutes près, Viviane, Alain, Philippe, Sophie et les autres n’avaient plus besoin de s'écrire sur WhatsApp, mais seulement d’attendre avec gourmandise le moment joyeux de leurs retrouvailles … Ah, ils avaient bien appris leurs textes qui étaient désormais pour tous enfin prêts à être récités, déclamés, joués en un seul envol pour leur pièce commune ; et ils pourraient la raconter plus tard encore et encore à leurs amis, à leurs parents et plus tard encore à leurs futurs enfants une fois le travail terminé et la réussite avérée !
Mais il était dit que cela ne se passerait pas comme ça … La faute à qui, la faute à quoi ? A tous, chacun à leur manière ! Pris dans l’enthousiasme de leur projet, ils n’avaient pas su garder le contact suffisamment proche non pas entre eux mais avec la … dure et mouvante réalité ! Pour leur malheur, certains, avaient oublié le passage à l’heure d’été ; d’autres n’avaient pas compris qu’on était passé à l’année du covid … Enfin, aucun n’avait pris en compte la réorganisation des transports entre villes et le bouleversement de toute la géographie connue jusqu’à présent. Ils ne savaient plus – l’avaient-ils jamais su ? – dans quel monde ils vivaient …
Et c’est ainsi, des trémolos dans la voix, qu’ils durent bien l’admettre : ils n’étaient pas au rendez-vous et leur public non plus ; et pour les autres représentations programmées, il leur faudrait donc recommencer leurs préparatifs avec suffisamment de persévérance et de fierté modeste sans pour autant donner à qui que ce soit l’impression de paraître un poil insensibles."
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