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Commentaire
C'est l'été, août 1938, à Lisbonne. Le journaliste Pereira, veuf et cardiaque, tient la page culturelle du journal le Lisboa, où il donne libre cours à son goût pour les auteurs français du 19ème siècle. Il recherche un stagiaire pour écrire des nécrologies de grands écrivains et c'est ainsi qu'il rencontre Monteiro Rossi et que sa vie va prendre un autre cours.
Le roman, sous-titré "Un témoignage", est rythmé par la répétition "Pereira prétend". On ne sait pas quelle est la forme de ce témoignage, est-ce un interrogatoire ou une confession, va-t-on à la fin retrouver Pereira au commissariat en état d'arrestation ? En tout cas cette répétition insistante, dans une écriture très factuelle, donne à l'ambiance beaucoup de densité en même temps qu'elle instaure une distance. L'auteur se met à l'écart, en retrait, il masque d'une manière éblouissante le "je" qui parle. Il insiste sur la probabilité de la vérité, Pereira est journaliste, il devrait dire la vérité …
L'atmosphère de 1938 et la pression du salazarisme sont extrêmement bien rendues. De même que la ville de Lisbonne, son ambiance, son âme, sa personnalité, ses petits bistrots. On sent la ville quand Pereira s'y promène, on transpire avec lui devant sa citronnade, on s'interroge avec lui sur ce qui lui arrive. Ce n'est pas un héros, en tout cas il ne se vit pas comme tel, il est physiquement un peu gros, il est un peu malade et, confronté à ces jeunes gens révoltés, il se laisse emporter puis regrette, il met du temps, il hésite, jusqu'à ce que s'impose à lui ce qu'il a à faire.
L'auteur restitue admirablement cette évolution de Pereira, avec beaucoup d'humanité. Il n'apporte pas de réponse tranchée à la question de savoir comment on bascule d'un côté ou de l'autre. Rien ne prédisposait Pereira à entrer en résistance, il vit plutôt dans le passé, parlant au portrait de sa femme, et pourtant tout l'amène à ce choix, il ne peut pas ne pas choisir, il est tiré par sa rencontre avec les deux jeunes gens. Avec la théorie du moi hégémonique professée par le docteur Cardoso se développe l'idée de la non maîtrise. Les choses se font d'elles-mêmes, même sans nous, même si elles nous dépassent, il ne nous appartient que de les accompagner. Dans sa magnifique postface, l'auteur conclut sur "la trame insondable des événements que les dieux nous réservent".
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