Les vacances sur l'île, cet été-là, vont changer radicalement la vie du narrateur, le faisant passer en quelques semaines de l'adolescence à l'âge adulte. Il se détourne des jeunes de son âge pour apprendre à pêcher avec un ami de son père et fréquenter les amis de son cousin plus âgé que lui. C'est là qu'il rencontre une jeune roumaine, Caia, qu'un lien étrange va unir à lui, incarnant pour la jeune fille le père qu'elle a perdu pendant la guerre.

Presque tous les livres de Erri de Luca sont autobiographiques. On connaît les grandes époques de sa vie : militant dans l'extrême gauche italienne, membres des services d'ordre, il a travaillé en usine et participé à des coups de main très violents. Il a rompu avec ce milieu après l'affaire Aldo Moro pour se consacrer à l'écriture et au théâtre, il est également traducteur de la Bible en Italie.

On ne ressent pas du tout l'histoire de l'auteur en lisant ses livres. Ici la poésie de l'écriture enchante la plupart des lecteurs par sa puissance évocatrice, par les magnifiques images des vacances sur l'île, du soleil sur la peau, des gestes de pêche, de la barque qui file sur l'eau … C'est aussi un roman d'une grande tendresse, et d'une grande justesse dans la description du passage entre deux âges de la vie.

Les avis sont plus partagés sur le lien qui unit le narrateur à Caia. Globalement les sentiments qui s'expriment sont jugés un peu trop sucrés, et certains lecteurs ont été ennuyés par cette sorte de dédoublement ou de réincarnation. Ce lien aussi est un peu étrange : le narrateur décrète que la jeune fille a un secret, mais peut-être le manipule-t-elle justement parce qu'il est jeune ? Un lecteur évoque la tradition juive du dibbouk, esprit qui se sert d'un vivant, qui prend possession d'un vivant pour s'exprimer.

Ils ne s'accordent pas non plus sur l'acte de vengeance final, pour les uns c'est un acte violent et destructeur, un acte de terrorisme, pour d'autres un acte vain et dérisoire (il est vrai qu'on n'en connaît pas les conséquences).

Peut-être ne fallait-il pas relire le roman ? Le charme de la première lecture n'a plus opéré de la même façon, ce qui conforte quelques lecteurs non amateurs des livres d'Erri de Luca. Ces derniers parlent d'un mélange de trop sucré et d'aspérité. Leur préférence irait plutôt à Mario Rigoni Stern.

Tu, mio appartient à l'histoire de la librairie, il s'est en quelque sorte vendu tout seul par centaines d'exemplaires et l'épuisement du stock grand format a apporté aux libraires un curieux sentiment de soulagement mêlé de tristesse.