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Ouvrage 

Titre:
La guerre n'a pas un visage de femme
Auteur:
Alexievitch (Svetlana)
Edition:
J'ai lu
Réunion du:
12.01.2016

Commentaire

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Au début des années 1980 Svetlana Alexievitch a collecté les récits de femmes russes qui, dans leur jeunesse, ont été volontaires pour s'engager dans la deuxième guerre mondiale. Ce livre de témoignages a d'abord été l'objet de controverses lors de sa parution en 1985 – on ne voulait alors que de l'héroïsme – mais a finalement connu un grand succès.

 

C'est une autre façon de raconter l'Histoire, un témoignage d'une sincérité qu'on retrouve rarement, une image de la guerre qu'en Europe de l'Ouest on ne connaît pas. On ne peut qu'être frappé par l'enthousiasme et l'aveuglement de ces toutes jeunes femmes dans leur volonté de tout sacrifier pour la patrie. La plupart n'auraient pas dû se retrouver là car beaucoup ont triché sur leur âge pour pouvoir être enrôlées. Cela a-t-il à voir avec l'âme russe ? C'est probablement plutôt le fait de l'endoctrinement communiste – on se souvient de la ferveur patriotique décrite par Olivier Rolin dans "Le météorologue". Après les purges de Staline dans l'encadrement, on avait besoin des femmes et de volontaires de plus en plus jeunes.

 

Les femmes racontent leur guerre avec pudeur et probablement beaucoup de non-dits, l'auteur parle d'ailleurs de l'autocensure de ces témoins et de la sienne propre. Elles s'excusent presque de témoigner. Elles rendent compte néanmoins de leur quotidien de façon poignante et réaliste. C'est la guerre faite par les femmes, avec les idées des femmes, les contraintes des femmes. Comment elles réagissent la première fois qu'elles ont tué quelqu'un, ce que c'est que de retirer un corps brûlé d'un tank, comment elles oublient leur corps de femme. Bien que la souffrance et la violence soient omniprésentes, c'est le désir de vivre, l'envie de vivre qui ressort de beaucoup de témoignages. Pourtant les difficultés n'ont pas cessé après la guerre : toutes ces femmes ont été très mal vues à leur retour, leur expérience ne concordant pas avec l'histoire officielle, et bien souvent elles ne trouvaient pas de mari car elles n'étaient plus jugées assez féminines.

 

C'est tout le talent de Svetlana Alexievitch d'instaurer une relation de confiance avec les témoins, acceptant de passer du temps avec elles, parfois toute une journée. Elle cite l'anecdote où le contact s'établit au cours d'une conversation banale, où on aura parlé d'abord du chemisier de l'une et de l'autre. Outre les témoignages ainsi recueillis, l'intérêt du livre tient aussi à la réflexion de l'auteure sur son travail, sur les conditions d’élaboration et de recueil des témoignages, sur les coupes opérées par la censure ou par elle-même, sur le choix d'agencer les témoignages. C'est tout cela qui rend possible la transmission. Il faut noter enfin la qualité du style et de l'écriture qui rend parfaitement lisible et très touchant ce qui pourrait n'être qu'une accumulation de souffrances.

 

Le livre appelle de nombreuses références. Outre "Le météorologue" d'Olivier Rolin déjà cité, d'aucuns pensent au travail de Jean Hatzfeld au Rwanda, qui lui aussi a recueilli des témoignages terribles dans la confiance et le respect. Est évoqué – et vivement recommandé – "La guerre de face" de Martha Gellhorn, récit jugé plus fort, l'auteure ayant suivi plusieurs conflits sur le terrain (même si l'on ne peut pas comparer directement des témoignages sur le vif et des témoignages à quarante ans de distance). Enfin est cité "La supplication", autre livre de Svetlana Alexievitch, sur le quotidien bouleversant des victimes de Tchernobyl.

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Mise à jour le 12/04/2024