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Ouvrage 

Titre:
L'ordre du jour
Auteur:
Vuillard (Eric)
Edition:
Actes Sud
Réunion du:
24.10.2017

Commentaire

lordredu jour

Eric Vuillard parcourt l'histoire de l'Anschluss et en reconstitue différents épisodes dans des scènes saisissantes de réalité, décrivant par le menu l'attitude des protagonistes. Il compose ainsi une mosaïque de scènes toutes plus édifiantes les unes que les autres : la réunion des industriels invités à apporter leur soutien financier, Schuschnigg à Berchtesgaden, le procès de Nuremberg, …

 

Tous les lecteurs, notamment les lecteurs historiens, n'y trouvent pas leur compte. Soit que le ton, parfois ironique, soulignant l'aspect dérisoire des événements, atténue selon eux l'horreur de l'Histoire ("Il aurait mieux valu écrire un livre d’histoire sérieux"). Soit que l'excès de détails, dans certains épisodes, nuise à la véracité du récit. Soit que le côté fragmentaire risque d'amener à un jugement erroné sur le déroulement des événements : par exemple il n'apparaît pas que l'Allemagne nazie commence à agir pour créer "la Grande Allemagne" à partir du moment où l'Italie fasciste lâche l'Autriche.

 

"Toutefois, il faut reconnaître que les actions et les images qui touchent l'être humain, aussi bien la victime que le bourreau ou le couard, sont admirablement écrites." C'est bien l'avis de la majorité des lecteurs, admiratifs de cette écriture magnifique, précise, fine, incisive. Ils sont conquis aussi par le procédé qui incarne fortement les différentes scènes. "S'arrêter sur ces gestes, cela décuple les actes qui ont été faits, cela leur donne une grande violence, c'est très fort ; c'est une dilatation du temps, qui donne un rythme très particulier aux événements ; c'est plus qu'un récit historique, c'est une petite chose venimeuse ; ce n'est pas une reconstitution complète, mais ce sont ces petites scènes qui sont la force du récit ; c'est magistral." On sent qu'Éric Vuillard est aussi cinéaste. A quelques rares moments, il se place et place le lecteur en position de spectateur (page 31 par exemple) en introduisant le "je" et le "nous".

 

Ce n'est pas la première fois qu'Éric Vuillard construit la réalité historique à partir des individus. Sur des bases authentiques – noms mentionnés dans les archives, comptes rendus de procès, rapports divers, … – il prête aux protagonistes sentiments et propos qui vont donner corps à l'événement. Et ce n'est pas sans parti pris. Il veut remettre la petite histoire dans la grande, car l'histoire est faite par le vivant. On se souvient de "14 juillet", la Révolution vue depuis le peuple. Ici il cite le nom d'Autrichiens dont on annonce sobrement le suicide en faisant semblant de pas en connaître la raison. Il ose à peine donner le motif pour lequel on a coupé le gaz aux Juifs de Vienne : "… ils se suicidaient de préférence au gaz et laissaient impayées leurs factures". C'est glaçant. Terrifiant aussi le déjeuner d'adieu entre Chamberlain et Ribbentrop, où l'on parle tennis …

 

En trame de fond il ne cesse de poser la question "comment cela a-t-il pu arriver ?" et interroge la banalité du mal. Avec une ironie grinçante il ne cesse de traquer les petitesses, les lâchetés, le cynisme de certains des hommes de pouvoir du moment. La description de la journée de Schuschnigg avant l'invasion en est un bel exemple. Le procédé peut-il nous aider à comprendre comment cela a été possible ? Se peut-il qu'aujourd'hui des hommes politiques se trouvent dans des situations similaires ? Comment se comportent les industriels dans certains conflits ? Si les individus font l'histoire, à quoi contribuons-nous, individuellement et collectivement ?

 

Un débat assez vif s'engage sur les différentes façons de faire l'Histoire, celle de "L'ordre du jour" séduisant les lecteurs : "Éric Vuillard ne s'attache pas à la grande histoire, il veut remettre les choses dans un autre ordre, démonter la posture de l'historien qui ne réalise pas qu'il fait lui aussi œuvre de fiction ; L'histoire officielle peut être menteuse."

 

Référence est faite à Jean Echenoz, qui recourt à un procédé littéraire approchant pour reconstituer des vies (on pense à "Courir"), ainsi qu'à Sébastian Haffner qui, dans "Histoire d'un allemand", décrit les circonstances de l’avènement du régime hitlérien.

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Mise à jour le 13/03/2024