"Le lecteur de Jules Verne", écrit en 2012 par Almudena Grandes, est le deuxième des cinq volumes d’un cycle qu’elle a appelé les "Episodes d’une guerre interminable", romans dans lesquels elle évoque les quarante années de dictature qui ont suivi la victoire du général Franco sur les républicains espagnols en 1939. Elle le fait au nom de la mémoire collective, pour soulever la chape de silence qui, jusqu’à peu, a pesé sur cette partie de l’histoire espagnole du XXème siècle.

L’action se passe en 1947 dans un village de montagne andalou, dans la province de Jaén. Le narrateur adulte revient sur son enfance de fils de garde civil dans ce village où la guerre continue entre les forces franquistes et les guérilleros républicains cachés dans le maquis. A partir de faits et de personnages historiques avérés, comme celui de Tomas Villen Roldan, dit "Cencerro", tué en 1947, l'autrice restitue l’atmosphère faite de répression et de résistance d’un village où se côtoient victorieux et perdants. Elle s’attache à évoquer la vie des femmes, les principales victimes du régime, faite de courage et de force silencieuse.

Le livre a été largement apprécié, essentiellement par son approche de l'histoire à travers le quotidien d'un petit village : "C’est un livre sur une période peu connue de l’après-guerre civile espagnole et la résistance désespérée de guérilléros dans le sud de l’Espagne. Le personnage principal Nino, fils d’un garde civil, vit dans une maison-caserne et assiste à la vie de son village sous la contrainte des gardes civils luttant contre les guérilléros communistes. Il a une éducation douloureuse. Heureusement, il découvre la lecture de Jules Verne qui lui permet de s’évader et de faire de belles rencontres. C’est le portrait d’un garçon d’une intelligence vive et très touchant. – J'ai beaucoup aimé faire connaissance avec la grande histoire par le regard d'un enfant. – J'ai été accroché, c'est un plaisir de voir par le regard d'un enfant la vie coupée entre les deux partis, plutôt que de lire un récit historique classique. – J'étais contente de découvrir ce livre, il montre bien par ses nuances les drames de la guerre civile, quand rien ne peut être tout noir ou tout blanc ; c'est plein de véracité, tout est très plausible, les personnages de la mère, du curé, des femmes du village, … – J'ai beaucoup aimé, j'apprécie la parole donnée avec finesse et attention à chaque personne, ainsi que le cheminement du petit garçon, amené à se dessiller peu à peu grâce à des personnes étrangères, notamment Pepe. – Il y a une beauté dans la dignité des femmes, quelque chose d'esthétique dans la noirceur. – Ce n’est pas un livre difficile à lire, le langage écrit se rapproche du quotidien. Ce n’est pas non plus sinistre, c’est une espèce de roman d’apprentissage, celui d’un enfant qui cherche à comprendre, qui prend conscience de la réalité grâce à l’amitié et la lecture. Almudena Grandes sait accrocher le lecteur, elle a un style alerte, qui change souvent de tonalité, humour, tendresse, cruauté, horreur, mystère, restituant la beauté de la montagne, et faisant un bel hommage à Jules Verne (et à Pérez Galdos, le grand narrateur du XIXème siècle). J’ai relu ce livre pour le Club, j’y ai découvert un nouvel intérêt, historique principalement. Mais j’avoue que j’y ai trouvé aussi des redondances, une écriture un peu lâche, et les allées et venues de Nino m’ont semblé répétitives …"

C'est un peu long en effet, de l'avis de plusieurs lecteurs : "C'est un livre intéressant, certes, mais je le trouve trop long et je ne l'ai pas fini. Bien sûr c'est un bon livre d'initiation et sympathique sur la guerre d'Espagne, à hauteur d'enfant, mais je pense que je perds l'habitude de ces gros romans chronologiques et en plus sur un sujet très souvent traité." Est aussi noté le grand nombre de personnages secondaires, qui rend parfois la lecture un peu ardue. Enfin il y a peut-être un peu d'idéalisation dans le processus initiatique du petit garçon.

A propos de la guerre civile espagnole et de ses suites, on pense bien sûr au roman "Les voix du Pamano" de Jaume Cabré.